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Quand on me demande d'où je viens, je réponds parfois - Kafarabida. C'est un petit mensonge qui justifie cependant une vérité. Mon nom de famille est originaire de Beit Chabab, l'antre de mon père perché dans la montagne libanaise, mais au fond de mon cœur dominent incontestablement les plages de Kafarabida, le village de ma mère établi dans le caza de Batroun. Tous les étés, nous nous échappions de Paris avec mes parents et mon frère pour nous retrouver en famille.
Nommée Botrys au temps des grecs, Boutron au temps des croisés et enfin Batroun par les arabes, Batroun est aussi une ville portuaire du même nom que son caza, située à 50 kilomètres au nord de Beyrouth et 29 kilomètres au sud de Tripoli. Je me suis autorisé à baptiser Batroun, l'ensemble des villages du littoral qui s'étendent de Madfoun à Anfeh.
Depuis les années 60, ma famille photographie ces plages où nombreux ont appris à nager, boire et aimer. L'appareil photo passe de main en main. Face au soleil et à la mer, des instants de vie sont capturés par les grands et les petits. Sur les rochers, les galets ou le sable. Entre un crawl et un plongeon, j'aime aussi saisir cette atmosphère. Lorsque j'ai parcouru mes images, j'ai réalisé qu'elles ressemblaient à celles prises par les membres de ma famille des années auparavant. En assemblant leurs photographies et les miennes, sans préciser qui en était le photographe, se dessinait devant moi un territoire intemporel. La série Batroun, une mère mêle donc images d'archives et contemporaines.
Batroun, c'est le Liban et pas vraiment. Je reste un libanais qui ne se sent pas vraiment libanais. En réalisant ce projet, je ressentais le besoin de préciser cette non-appartenance. Voir si ces images «libanaises» souvent intimes et personnelles livraient quelques vérités. À Batroun, je ne suis ni dedans ni en dehors du pays. Ni pour, ni contre. Ni ailleurs.